Partir de Gaziantep, ville moderne de 712 000 habitants autour de laquelle sont cultivés oliviers et pistachiers, constitue une étape pratique avant d’entreprendre la découvert de ces lieux chargés d’histoire (il est également possible de partir de Malatya ou d’Urfa).
Histoires de sanctuaires
L’aménagement paysager du site naturel de Nemrut Dağı est l’une des entreprises les plus colossales et ambitieuses de l’époque hellénistique (certains des blocs de pierre utilisés pesaient jusqu’à 9 tonnes). Et son étendue (150 m) fascine les visiteurs modernes.
Les monarques de cette dynastie portaient les noms grecs de Antiochos ou Mithridates. Ils ont laissé après eux, dans la région montagneuse qui s’étend du nord de la haute vallée de l’Euphrate, non loin de Adiyaman, plusieurs sanctuaires funéraires à couper le souffle.
Ces emplacements comprennent Eski Kâhta, Karakuş et, surtout, Nemrut Dağı, où se trouve le plus impressionnant de tous les tombeaux, celui de Antiochos Ier de Commagène (69-34 avant JC). Celui-ci régna sur le Commagène, royaume constitué au nord de la Syrie et de l’Euphrate après le démembrement de l’empire d’Alexandre. On y observe un panthéon mêlant origines grecques et perses, et la lignée de ses rois peut être retracée à travers deux séries de statues de dirigeants grecque et perse.
Château à Eski Kâhta, près du Mont Nemrut, Turquie © sk (CC BY-ND 2.0)
Un site archéologique tout en puissance
Pour aller à la rencontre de ces illustres personnages de l’antiquité, il vous faut, depuis Gaziantep, prendre la route 850 vers le nord par Araban, puis, au km 505, la 360 vers Adiyaman et Kâhta, étape habituelle de l’excursion au Nemrut Dağı grâce au logement à la pension Kommagenne. De là, il convient, pour plus de sûreté, de louer un véhicule tout terrain avec chauffeur. Ou mieux, avant de partir, de confier l’organisation de votre excursion dés la création de votre voyage en Turquie. En chemin, il existe aussi des pensions au confort rudimentaire, mais dans un cadre superbe.
A 9 km de Kâhta, la route cède la place à la piste sur environ 35 km. Au bout de la piste, il ne reste que quelques centaines de mètres à gravir (à pied ou à dos d’âne) pour atteindre le sommet du Nemrut Dağı qui se situe à 2 100 m d’altitude. Là, se tient un monument unique dans un cadre grandiose : le Hiérothésion. Le monument funéraire d’Antiochos Ier Epiphane est un long tumulus artificiel de petites pierres accumulées sur une hauteur de 50 m et un diamètre de 150 m. Malgré les efforts entrepris, la chambre funéraire n’a jamais été retrouvée.
Hiérothésion, tombe de Mithradates, Mont Nemrut, Turquie © Klearchos Kapoutsis (CC BY 2.0)
Petit rappel historique
Lorsque le vaste empire d’Alexandre le Grand se disloque, de nombreux royaumes se forment alors dans les provinces hellénisés de l’Est de la Turquie. Ainsi naquit le royaume de Commagène, à l’est de la Cappadoce, et qui existât sous forme d’état semi-indépendant, ses souverains défendant leur autonomie d’abord contre les Séleucides, puis contre les Romains. Guerres successives, alliances opportunes, son histoire fut mouvementée, comme nombre de cités et civilisations antiques.
Néanmoins, il semble qu’Antiochos ait réussi à réaliser le rêve d’Alexandre : unir l’Occident hellénisé à l’Orient perse. Les statues du sanctuaire présentent un curieux mélange de ces influences doubles.
Le site lui-même fut découvert par hasard en 1881 par Charles Sester, un ingénieur, mais ce n’est qu’en 1953 que l’exploration du site a été réalisée. Dominant le sommet du Nemrut Dağı, un tumulus conique taillée dans le roc se dresse.
Ce monticule funéraire, dont l’aménagement intérieur reste inconnu malgré de nombreuses tentatives pour localiser les dromos, est entouré à l’est, l’ouest et le nord par des terrasses artificielles. Les terrasses sont à deux niveaux distincts et creusées dans la roche. Au niveau supérieur, une rangée de cinq figures assises colossales (7 m de haut) représentant des divinités partage une structure commune avec deux paires d’immenses statues également, chaque paire comprenant un lion et un aigle, positionnés symétriquement à chaque extrémité.
Des statues d’hommes illustres
Face au soleil couchant, se dressaient des trônes de pierre sur lesquels se tenaient ces énormes statues de 8 à 10 m de haut faites de plusieurs blocs. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un formidable chaos d’où émergent les énormes têtes des statues : Héraclès-Artagnès (dieu perse Verathragna), Antiochos au milieu des dieux, Zeus-Ormasdes (le dieu Ahuramazda), Tyché, déesse tutélaire de la Commagène représentée avec une couronne de fruits, symbole de fertilité, et enfin Apollon-Mithradates-Hermès-Helios.
Les têtes de ces statues ont été brisées et sont tombées au niveau de la terrasse inférieure. Ce sont ces têtes gigantesques posées à même le sol qui provoquent ce sentiment d’étonnement voire de sidération à leur approche.
Au bout de la terrasse se dressent plusieurs bas-reliefs représentant Antiochos en compagnie des différents dieux et un lion portant des symboles astronomiques. Ce lion figure un horoscope qui indiquerait la date du 7 juillet 62, jour où le roi Antiochos monta sur le trône.
Sur le côté nord, ces pierres sont décorées avec des sculptures en relief représentant les ancêtres perses d’Antiochos. Sur le côté sud, ses ancêtres macédoniens symétriquement face aux autres. Les inscriptions gravées sur le dos des dalles permettent d’identifier les liens généalogiques.
Tyché, déesse tutélaire de la Commagène, Nemrut Dağı, Turquie © Klearchos Kapoutsis (CC BY 2.0)
La terrasse ouest comporte des caractéristiques similaires, avec la même série de cinq statues entre les deux paires de lion-aigle, mais il ne comporte pas un autel.
Trêve de descriptions, le mieux est tout de même de se rendre sur place pour découvrir ce site fascinant qui émerveille non seulement les archéologues mais aussi tous les visiteurs du monde entier.
Photo de couverture : Nemrut, terrasse ouest, Turquie © Klearchos Kapoutsis (CC BY 2.0)